
Seule dans sa tête
Qu’est-ce que je fais là? Les murs sont blancs. Je suis dans une pièce où se trouvent deux lits, ainsi que des machines d’hôpital… Qu’est-ce qui m’est arrivé?
Plusieurs jours passent, mais personne ne s’occupe de moi. Pourquoi?
Pourquoi je ne reçois jamais de visite? Pourquoi l’autre en reçoit-elle et pas moi?
Je suis à l’hôpital pour… En fait, je ne m’en souviens pas. Par contre ce que je sais, c’est que je suis réveillée! Tandis que celle qui reçoit de la visite, elle ne l’est pas! Alors pourquoi elle? Pourquoi c'est elle que les gens vont voir? Qu’est-ce qu’elle a de plus que moi?
Hier, un garçon est venu lui rendre visite. Il ne disait rien. Il ne faisait que la regarder. Il semblait très triste. Peut-être qu’ils avaient une relation. En tout cas, il semble très gentil. Il est beau en plus. Je l’ai entendu lui chuchoter à l’oreille « Allez, reviens. J’ai besoin de toi. Je ne peux pas vivre sans toi. » J’en ai eu des frissons. N’importe qui reviendrait à la vie à ces mots! Moi en tout cas j’en reviendrais.
Elle reçoit aussi des visites de ses parents. Ils semblaient si gentils! Ce doit être dur pour eux de perdre ainsi leur enfant. Pourquoi ne revient-elle pas? Avec tout cet amour, elle devrait bien se réveiller, ouvrir les yeux! Elle n’est pas seule elle!
Je ne reçois aucune visite moi et … je n’arrive plus à me souvenir des membres de ma famille… Sont-ils comme les siens? Sont-ils aussi aimants? Est-ce qu’ils s’ennuient de moi? On dirait que non. Il semble que je ne compte plus pour eux. Je suis seule.
Ses grands-parents sont venus ce matin, ils semblaient très tristes et très fatigués. Ils devaient se demander pourquoi c’est elle qui semble partir avant eux.
Réveille-toi! Tu ne te rends pas compte que tu blesses tout ton entourage en restant là, les yeux clos? Tu as la chance d’avoir une famille qui se préoccupe de toi.
En fin d’après-midi, quand l’école termina, ses camarades sont venus la voir. Il y en avait plein! Ils sont venus deux par deux. Ils ont dit qu'ils étaient désolés, qu'ils lui demandaient pardon... Ils ont apporté des cartes de souhaits, certains de leur confection.
Ses frères et sœurs aussi sont venus. Ils semblaient regretter quelques paroles mal placées qu’ils lui auraient dites un jour. Ils se désolent de l'avoir maltraitée ou ignorée. Ils souhaitent qu'elle se rétablisse.
Les infirmiers et infirmières m’ignorent. Je leur fais signe, je leur pose des questions, mais ils ne me répondent pas.
Mes joues se mouillent de larmes. Je n’arrive pas à les retenir. La solitude fait mal, c’est pire que tout ce que l’on peut imaginer. Je suis seule de partout. Même ma tête est vide. Je ne me souviens plus de rien. J’ai beau réfléchir aussi fort que je peux, je n’y arrive pas. C’est comme si je n’avais jamais existé.
Je me lève et sors de la chambre. Un long couloir s’étend devant moi. On dirait qu’il n’a pas de fin. J’avance à pas de loup. Je ne devrais pas être debout…. Hey! Mais il n’y a personne? Je regarde dans toutes les salles que je croise et il n’y a absolument PERSONNE… Je suis seule… Avec la fille du lit d’à côté. Comment ça?
J’avance silencieusement… Les murs d’un blanc éclatant reflètent la lumière avec intensité. Je ne distingue point le bout du couloir. Il est perdu dans cette lumière céleste. Puis je me mets à courir, je tente d’atteindre la fin. Je n’y arrive pas! Soudain, des images, des passages de ma vie défilent sous mes yeux. Je vois des gens que je ne reconnais pas. Des inconnus m’agitent la main ou me regardent avec tendresse. Ils se rident ou grandissent et deviennent familiers. Ils ressemblent aux visiteurs de la fille d’à côté…
Je me mets alors à courir, les images défilent plus vite! Je cours, je cours, mais ça continue et je n’aboutis nulle part. Qu’est-ce qu’il m’arrive?
C’est alors que je sens une sorte de décharge électrique qui se répand dans tout mon corps, mais je l’ignore et je continue de courir vers la lumière. Les images continuent de défiler.
Un autre choc m’ébranle. Cette fois, je perds pied et je tente de reprendre mon souffle qui se perd.
Encore un! Je me sens glisser vers l’arrière. Non! Je griffe le plancher, je cherche une prise pour me retenir, mais je n’y arrive pas. C’est comme si une corde me tirait vers la salle d’où je viens.
Une dernière décharge électrique me happe tout entière et je suis littéralement emportée à toute vitesse vers la chambre. Les images défilent à l’envers. Je crie. Tout devient noir.
Les images reviennent, mais se transforment en une sorte de rêve dans lequel je suis le sujet. Je suis dans une salle de bain. Je tiens un pot de pilules. J'hésite. Je me sens seule. Je me décide à les avaler. Je m'affale et mon corps s'affole. Un homme me trouve. Mon père. Il crie à ma mère d'appeler une ambulance. Je ne suis pas encore morte quand l'ambulance arrive. Je perds conscience… Je suis tombée dans le coma…
Je me sens comme une feuille de papier toute chiffonnée, en résumé, vraiment mal. Ma tête tourne et tous mes sens ne fonctionnent qu’à moitié. Mes oreilles bourdonnent, mon nez est tout simplement bouché, ma bouche est sèche et mes yeux… je n’ose même pas les ouvrir.
Mes sens reviennent tranquillement. Je commence à distinguer des mots.
- Malaurie. Malaurie. Est-ce que tu nous entends? Peux-tu faire un signe?
Malaurie… C’est mon nom? Oui. Ça me semble familier. Oui! Ça me revient. Je tente d’agiter un doigt. Non. C’est trop difficile. Je pourrais ouvrir un œil?
Je lève péniblement une paupière, mais la referme aussitôt. La lumière est si éclatante.
- Vous avez vu? Je crois qu’elle a ouvert un œil. Elle est revenue!
L’homme à qui appartient cette voix s’approche de moi et me prend la main.
- Malaurie, reste. Tu n’es pas seul.
FIN
