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L’histoire de l’appartement 209

Partie 1

Basée sur des faits réels.

 

Je me suis réveillée au son de coups venant de l’appartement du dessus, le 209. Il était autour de 9 h, mais j’étais encore fatiguée, alors je me suis rendormie. Une demi-heure plus tard, l’histoire se renouvelle. On frappe encore, mais cette fois-ci, suivi d’un appel : à l’aide!

 

Je me lève d’un bond. Ai-je bien entendu? Un appel au secours? Je sors de ma chambre et vais cogner à la porte de ma coloc'. Elle ne répond pas. Elle ne s’est pas réveillée, elle n’a peut-être rien entendu. Je décide d’aller voir. En pyjama, je monte les marches menant à l’étage du dessus et vais cogner à la porte de l’appartement 209. Aucune réponse. Je colle mon oreille à la porte, aucun bruit… Je redescends à mon appart' et je vais aux toilettes. Je mijote ce qui vient de m’arriver, comme toujours dans cet endroit si propice à l’émergence d’idées, second lieu par excellence après la douche.

 

Ai-je rêvé? Je décide d’envoyer un message texte au concierge, le responsable de l’établissement : « J’ai entendu du bruit provenant de l’appartement au-dessus du mien : des coups suivis d’un appel à l’aide… Je suis montée voir, mais après avoir cogné, je n’ai pas obtenu réponse. » Il me répond : « Je les texte. »

 

Peu de temps après, il m’appelle. Il me dit avoir rejoint les propriétaires du 209. Ils sont partis pour la fin de semaine. Personne n’occupe l’appartement en ce moment… Un peu plus tard, il m’informe qu’il a envoyé quelqu’un faire un tour dans l’appartement et que rien ne clochait…

 

Ben voyons donc! Serait-ce un fantôme que j’ai entendu?

 

Je vais voir l’autre appartement au-dessus du 209. Je cogne à la porte, une femme me répond. Je lui demande si elle a entendu des bruits ce matin venant de l’appartement au-dessous d’elle. Elle me répond qu’elle n’était pas là… Je suis de nouveau seule avec ce que j’ai entendu. Mais elle me dit entendre souvent du bruit, beaucoup de bruits. Je lui dis qu’ils ne sont pas là pour la fin de semaine, alors si elle entend des sons ces prochains jours, qu’elle vienne me voir au 109…

 

Elle n’est jamais venue.

 

Dimanche arrive sans nouveaux phénomènes. J’entends des bruits de pas : les voisins sont revenus. Pendant la nuit, des cognements me parviennent, mais cette fois-ci, je ne suis pas seule à les entendre, mon copain est avec moi. Mais qu’est-ce que tout cela signifie?

 

Les journées suivantes, je perçois de nouveau des bruits, beaucoup de bruits : de la musique, des pas… tout le vacarme habituel, quoi. Mais c’est parce qu’ils sont là, ces voisins. Suis-je en train de devenir folle quand ils ne sont pas là? M’inventerais-je des choses, étant trop habituée de les entendre gigoter?

 

Cette affaire n’a pas été résolue à ce jour, mais j’ai continué à entendre des bruits…

 

C’est étrange de pouvoir tout entendre ce qu’il se passe dans cet appartement. Ça donne l’impression d’être avec eux, de vivre leur vie conjointement.

 

Un jour, j’ai entendu un bébé pleurer là-haut. Même, on pouvait tout visualiser : une femme passer une porte, la refermer derrière elle, tirer une chaise, prendre son bébé… On vit tout avec eux… C’en est presque creepy.            

 

Une autre nuit, j’ai assisté à un accouplement, à 3 h du matin. Ça a débuté par des craquements sournois au rythme régulier, puis j’ai entendu des cris : Ah! Oui!

 

Je n’ai pas réentendu de bruits suspects… Mais je les entends plus fort que jamais! Ils marchent sur leurs talons, parlent fort, mettent de la grosse musique… M’enfin, tout ce qu’il y a de plus physique.

 

Pourrait-on appeler ça une violation de la vie privée? Non, puisque c’est involontaire… non? De l’exhibitionnisme, alors? Pas vraiment, puisqu’ils ne se rendent peut-être pas compte qu’ils sont entendus. Pour eux, personne ne les voit, donc personne ne les entend puisque personne n’est dans la pièce avec eux… physiquement. Ou bien ils s’en « foutent » tout simplement.

 

Et ils ignorent probablement qu’ils sont les vedettes d’une prochaine histoire!

 

J’y pense… Je ne sais même pas à quoi ils ressemblent, ces voisins. Je ne les ai jamais vus, jamais rencontrés officiellement. C’est la prochaine étape…

           

Je rêve : je m’éloigne, vers le ciel. Je vois mon édifice. De haut, il paraît minuscule. Si petit, un grain de sable au milieu d’une marée de civilisation. Les autoroutes forment des vaisseaux sanguins dont les automobiles sont des globules. Je ne vois même plus les humains, devenus des fourmis, puis plus rien. Nous ne sommes rien dans ce gigantesque univers. Que sommes-nous? Un atome parmi tant d’autres. Comment se différencier? Nous ne faisons pas le poids face aux lois de l’univers. D’ici, entendrais-je toujours le 209?   

 

C’était le rapport des événements concernant l’appartement 209.

 

 

Partie 2

 

           Depuis que j’ai déménagé, il y a un an, plus aucun phénomène de ce genre ne s’est présenté à moi. Jamais plus je n’ai repris contact avec cet endroit… Jusqu’à ce que cet ex-locateur m’appelle.

            — Bonjour, hum, vous vous rappelez quand vous habitiez ici, vous entendiez des bruits étranges venant de l’appartement au-dessus du vôtre. Et vous m’aviez dit de vous appeler si j’en découvrais plus.

            — Oui?

            — On a retrouvé un corps entre le plafond de votre chambre et le plancher de l’appartement du dessus…

            Je suis restée sans voix et j’ai raccroché.

            Je cherche un article sur internet relatant cette découverte. J’en trouve un datant d’aujourd’hui titré : MACABRE DÉCOUVERTE DANS UN APPARTEMENT DE QUÉBEC. Tout ce que l’article explique est qu’un cadavre a été retrouvé par le concierge de l’établissement alors qu’il allait voir ce qui pourrissait près des tuyaux de sécheuses, semblait-il… C’est-à-dire, juste au-dessus de mon ancienne chambre. Une trappe donnant sur l’autre appartement se trouvait près de la victime, Jessica Laplante, dix-neuf ans. Les policiers en ont conclu qu’elle y était enfermée. L’enquête serait en cours depuis une semaine, car des preuves non publiées dans le journal révéleraient qu’elle a été tuée.

            Je prends mon manteau et me rends à mon ancien bloc appartement. Sur place, je suis surprise de trouver une voiture de police stationnée devant l’immeuble. Que font-ils encore ici? Ils n’ont pas fini de relever les indices? J’entre et fonce dans un agent en ouvrant la porte…

            — Oh! Pardon! dis-je.

            — C’est moi qui ne regardais pas…

            Il devait être allé voir le concierge. Je vais cogner à la porte de mon ancien appartement, une jeune femme dans la fin de la vingtaine me répond.

            — Bonjour, commencé-je, je suis l’ancienne locataire de cet appart', Malory.

            — Oh, j’imagine que tu as entendu parler de ce qu’ils ont trouvé. Moi c’est Valérie. Entre.

            Je la suis. Elle m’invite à m’assoir dans le salon.

            — Ils l’ont trouvé avec un cube Rubik sans empreinte et des poils orange alors que la femme avait les cheveux noirs naturels, me confie-t-elle, je n’en sais pas plus.

            — Étrange…

            Nous demeurons un moment en silence.

            — Quand je vivais ici, je ne cessais d’entendre des bruits bizarres et des cognements venant d’en haut.

            — Ah oui? Quel genre?

        — Ça passait de l’aspirateur en plein milieu de la nuit à de la musique forte le jour. Parfois même j’entendais de gros « boom! » comme quand on laisse tomber un objet sans faire attention. Ma coloc' du temps a déjà entendu une chicane, des voix fortes et des cris. Même qu’une fois, j’ai entendu des gens faire l’amour et un appel au secours.

            — Wow! Et bien tu as été témoin de beaucoup de choses… Moi je n’ai absolument rien entendu depuis que je suis ici! Tu as dit ça à quelqu’un?

           — Au concierge à l’époque. Mais la police ne m’a pas contactée depuis la découverte. Je n’ai rien pu leur dire.

            — D’accord.

            — Il n’y a rien eu de bizarre depuis que tu es ici?

            — Non.

            — Et ton colocataire n’a été témoin de rien non plus?

            — Non. Il faut dire qu’il n’est pas là souvent non plus, alors…

            Valérie se penche vers moi en ramassant quelque chose, sa repousse rousse contrastant avec ses cheveux teints en noirs captive mon attention. À sa place, ça m’achalerait. Elle se relève et glisse un objet dans sa poche de veste.

            — Tu veux quelque chose à boire? Du jus, de l’eau?

            — De l’eau ça ira, merci.

            Elle part à la cuisine. Je jette un œil à l’appartement, je n’ai pas encore regardé les alentours, ce que les nouveaux locataires ont changé. Il n’y a pas beaucoup de meubles, à peine un divan, un fauteuil, une table basse et une petite bibliothèque composent le salon. Une lettre attire mon regard. Elle est adressée à une certaine Valérie Laplante…

            — Tiens, ton verre d’eau.

            — Oh, merci.

            Elle remarque mon malaise, voit la lettre qu’elle a laissée devant moi, relève la tête…

            — Hum, oui, c’était ma sœur… dit-elle. Et alors?

            — Mes condoléances…

            Je tente d’adopter un air détendu, mais Valérie ne semble pas convaincue.

            — Bon! elle sort l’objet qu’elle avait mis dans sa poche plus tôt. Je vais devoir m’assurer que tu n’ailles rien raconter de tout ce que tu as entendu par le passé aux policiers.

            Elle pointe son pistolet vers ma tête et tire. Je crie… mais je ne suis pas morte, simplement mouillée.

            — Ah! Fait chier! Freddie! Je t’avais dit de ne pas jouer avec les trucs de maman!

            Un petit garçon d’environ deux ans sort de mon ex-chambre, avec une vraie arme à feu.

            — Donne ça! dit Valérie. Et je te redonne ton revolver à eau!

            Il court avec le pistolet vers sa mère et ils font l’échange.

            — Merci.

            Elle se retourne vers moi, les yeux vides d’émotions.

            — Bon, finissons-en.

            Elle pointe de nouveau l’arme vers moi, cette fois-ci, la vraie.

            — Euh… Est-ce que je pourrais savoir pourquoi avant? Et comprendre le rapport du cube Rubik? demandé-je. Puisque je vais mourir…

            — Ah, euh… OK.

            Elle n’abaisse pas l’engin, mais je gagne du temps.

            — C’est très simple, je l’ai surprise en train de me voler le père de mon fils, cette bitch. Elle a perdu son rôle de sœur. Alors, je l’ai tué. Ah! Et pour le Rubik’s cube, il portait les empreintes de mon garçon. Il y jouait souvent quand il allait chez son père… Alors je l’ai nettoyé comme il faut et je l’ai posé là, pour symboliser la raison de son départ. Mais tu en sais trop.

            — Police! entendons-nous venant de la porte d’entrée. Ouvrez!

            Elle me fixe, le regard vide, tourne l’arme vers elle, entre le canon dans sa bouche et appuie sur la détente.

© 2019 Mélanie Belliveau-Roy | CarpeLumos

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